Les liens du sang scellent les destinées, seuls les liens du cœur apportent la légèreté.
Dès l’enfance, à la dérive, emportée par les courants au milieu d’un tempétueux océan, j’observe l’immensité des distances me séparant des autres gens. Mes brassées intempestives m’éloignent des terres habitées et dans la solitude des grands larges je sculpte ma personnalité.
Une fois tous les liens brisés, tous les êtres du passé effacés, l’armure bâtie semble si solide que plus jamais on ne pourra la transpercer.
Pourtant, dans cette obscurité, année après année, ma nage devient plus maîtrisée, alors que seul on ne peut apprendre à se surpasser.
Au loin, des lumières percent le brouillard, d’où je me tiens leur nombre m’étonne, tant de ports où brillent des phares éclairant des cordes que je peux saisir pour rejoindre le continent sans incident.
Vos âmes attendrissantes veillent sur ma nature impatiente. Malgré mon entêtante affection, mes envahissantes attentes, mes écrasantes demandes, vous avez frayé un chemin jusqu’à moi et si je tâtonne je trouve vos mains, me tirant vers demain.
Mes certitudes se brisent, l’étonnement me prend, un geste inattendu, la justesse d’une parole, la douceur d’une attention, entièrement bienfaisantes vos présences éteignent les douleurs étreignant mon cœur.
Tu es comme un éclair, une étonnante gémellité, en toi je retrouve les discours passionnés, les mains envolées, la soif d’un lien puissant et l’envie d’une complicité dépassant toutes les difficultés.
Tu es l’enveloppe fantaisiste et colorée que je tire de ma boîte aux lettres grise et cassée, le grand sourire que tu étires sur mon visage lorsque je lis tes espoirs de liberté, ton souhait de transformer le monde en comédie musicale enchantée, et ces étoiles dont tu signes tes consolantes missives.
Tu es le rire joyeux et rassurant, la rue sainte-Anne dont tu me fais découvrir les meilleurs restaurants, la passion pour les livres et la grande musique que tu joues assidûment, celle auprès de qui je peux lire tranquillement, et qui les larmes aux yeux sur le quai de la gare me serre tendrement.
Tu es la silencieuse lectrice, chaque fois au téléphone me remerciant du bien que toi-même me fait en me confiant tes tristesses et tes peines, en m’exhortant à livrer les miennes, en me félicitant des mots que maladroitement ici j’assemble patiemment.
Tu es le génial violoniste, dans un tourbillon de chants et de paroles tu m’enveloppes et m’entraînes, ta naïve confiance, ton incroyable crédulité, des mots bien négatifs qui te donnent pourtant cette incroyable particularité d’être le plus doux des « sensibles » comme tu aimes tant l’affirmer.
Tu es ma plus grande adoratrice, fervente fanatique et compagne des ivresses, la première à m’avoir prouvé que les belles âmes taisent leurs actes héroïques, que l’amitié véritable ne se raconte pas, et que l’on pardonne les désertions aux âmes qui nous ont protégés lorsque personne d’autre ne le faisait.
Tu es la sentinelle de la raison, dessinant ma destinée avec des conseils avisés, cette familière étrangère dont la tranquillité et la sagesse cachent de ferventes douceurs, dans ta bouche toujours les compliments ne sont plus des châtiments mais de véritables clés pour m’aider à avancer.
Tu es la ballerine, la pianiste, l’imitatrice amie, celle qui toujours me ramène à elle et aux telluriques vérités, refusant de m’envelopper d’idéal tout en posant sur moi tes affectueux yeux, me tranquillisant sur mon appartenance à ton intime clan, m’interdisant d’une parole de couper de nouveau cet essentiel attachement.
Tu es ce clair regard foncé observant mes sombres yeux bleutés, la nourriture terrestre que tu glisses chaque matin sur ma table, celle spirituelle dont tu me rassasies et l’apaisement que je croyais inaccessible dont tu me berces par ta bienveillante reconnaissance, cette âme veloutée ayant su merveilleusement m’apprivoiser.
Vous êtes mon berceau de tendresse, les malicieux êtres trompant ma bile noire, confortant mes rêves d’espoir, les élus d’une affection débordante, les affinités solidement tissées.
L’amour est un ruisseau, se changeant en fleuve, en mer, en océan. Jamais il ne s’arrête. À ceux que j’ai abandonnés, ceux qui m’ont désertée, je vous souhaite ces fidèles alliances, ces solides échanges.
Les liens du sang scellent les destinées, seuls les liens du cœur s’appellent amitié.
© Béryl Huba-Mylek
Personne n’a laissé de commentaire ?! Non, je ne le crois pas !! J’aimerais tout de même bien savoir si j’ai réussi à deviner les personnes présentes dans ce texte !!
C’est tellement beau quand tes mots viennent du plus profond de ton coeur. 🙂
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