Le lecteur mélomane excusera cet article sur le concert du 16 octobre, dans la galerie des glaces, d’Alexandre Tharaud et des Violons du Roy
Quelques instants suspendus, en apesanteur, et la magie paraît. Une petite porte sur la gauche, et nous voilà dans le château de Versailles, la nuit. Les pièces se succèdent, habitées par quelques privilégiés, venus entendre une symphonie de Haydn et deux concertos de Bach et Mozart ranimer les murs du palais. Quelques lumières artificielles guident notre avancée dans la pénombre ; comme il est étrange de fouler le sol de ce bâtiment habituellement bondé de monde, qui paraît si vide, si calme. La galerie des glaces se dessine bientôt, illuminée par les lustres sur lesquels des flammes de verre brûlent. Les statues toisent les rangées de chaises occupées par les spectateurs. Les miroirs réfléchissent les vitres des fenêtres, qui réfléchissent le cristal des chandeliers, qui réfléchissent le feu trompeur des ampoules ; les dorures se parent d’une brillance mate, les touches blanches des tableaux captent quelques rayons lumineux, et la longue salle scintille ainsi des reflets sans cesse renvoyés et perdus. Des éclats de voix montent vers le plafond, on sourit avec politesse en hochant un peu la tête ; certains, puisque le siècle est ainsi fait, s’amusent à se photographier avec leur portable qu’ils tiennent à bout de bras.