Il faut combler le silence, surtout ne pas laisser d’ouverture, tu dois te vider pour qu’elle existe, entièrement dévouée à t’écouter sagement. Fais-la vivre. Assomme-la de tes souvenirs, de ta vie, tes mots doivent l’envahir, la couvrir. Ne cesse pas, surtout pas. Fais tout sortir. Ne t’inquiète pas, elle te poussera quand il faudra, elle t’aidera à livrer tes confidences les plus intimes, celles qui stagnent en toi, que tu n’oses pas même écrire, de peur qu’un jour quelqu’un lise la crasse qui t’habite. Dis-lui tout, elle peut laver, emporter, effacer, ne rien laisser d’autre qu’un sourire et l’espérance que tu cherches, celle non pas juste d’exister mais d’être, véritablement. Elle te dévorera des yeux, elle acquiescera et sourira, elle te montrera ce qu’il y a de plus beau en toi, et tu t’attacheras à cette image un moment, cette splendeur soudainement révélée, tu caresseras ce tableau fabuleux, ce portrait improbable d’un être si parfaitement contraire à ce que tu croyais être mais, qu’au fond, tu savais pouvoir devenir. Tu t’abîmeras dans ce miroir déformant sculpté dans la cajolerie.
