Les ondes plissent, étoffe mariale froissée dont l’ourlet glisse sur les roches dures.
Auteur : Béryl Huba-Mylek
Ton frère
Quelque part, tu es à moi. Ou bien tu es comme moi. Quelle différence ? Je suis à toi aussi. Je suis comme toi aussi. Il me semble que ce que tu ressens je le vis, et ce que je vis tu le ressens. Lorsque nos regards se croisent, les pensées s’envolent. Je comprends ce qui se trame dans ton cerveau. Tu perçois la moindre de mes réflexions. Les paroles qui ne tarissaient jamais entre nous sont devenues inutiles. Un geste, un soupir, ou le silence. Et je sais. Et tu sais. Du moins, cela avait toujours été.
Jour de fête
La chaleur du soleil s’étend sur le lit et me tire du sommeil.
Les fleurs embaument le logement, elles pressentent l’échappée belle.
Dans quelques instants, son sourire épanoui et ses yeux qui pétillent répondront à son rire à lui et l’éclat de ses prunelles enjouées.
Quelques jours en suspens, pour célébrer l’union de cet être chéri, cette fillette qu’autrefois j’appelais jumelle et qui est si grande aujourd’hui.
En attendant les embrassades émues et les larmes joyeuses que l’on essuiera vite, une vive émotion de tendresse accompagne ce jour de fête.
© Béryl Huba-Mylek
La robe de deuil
C’est une robe dont l’ourlet tombe au-dessus de mon genou, glissant sur ma peau dans une caresse discrète lorsque je marche dans les rues.
L’étranger
Dans la rue, je tourne la tête et te surprends à me regarder. Tes yeux un moment se mêlent aux miens, nos pupilles se fondent en un lien fugace. Nous soutenons l’âme de l’autre. Tu ne demandes rien, je n’exige pas de réponse.
Déja vu
Les chansons populaires s’enregistrent dans les salles vides de notre esprit ; lorsque le silence tombe dans la tortueuse demeure de nos cervelles, elles se réveillent, de leurs paroles entêtantes mais réconfortantes emplissent notre néant des souvenirs qui s’animent, tirés de leurs lits tranquilles.
Le syndrome de Stendhal
Au détour d’une rue s’élève une merveille, haute splendeur florentine se parant de jaune et de vert.
Sous cloche
En verre épais s’abat sur elle une prison. Loin de la cacher aux yeux du monde, elle l’expose tout en l’isolant. L’agitation des êtres lui parvient étouffée, un brouhaha écrasé sur une frontière de silence.
L’aurore
Le ciel s’empourpre, ses nuages rosissent, une coulée d’or s’infiltre dans chaque parcelle sombre. Un cercle rouge sort de l’horizon, s’élève lentement sur la Terre dont il se sépare soudainement, dans un déchirant rayon d’éclatante lumière.
Elsa
Je l’ai rencontrée devant la grille de son école où je l’attendais accompagnée de sa mère. Elle s’appelait Elsa. Elle s’appelle toujours Elsa d’ailleurs. Elle m’a à peine regardée, elle ne me prêtait pas vraiment attention, comme souvent les enfants lorsqu’ils sont avec leurs parents. Sur le chemin, un soulier de fillette attire son regard, elle le montre du doigt et sautille d’excitation. Sa maman raconte comment une fée l’a oublié derrière elle en s’envolant. Elsa, dubitative, fronce d’abord les sourcils, mais son imagination l’emporte et elle poursuit l’histoire de l’être magique semant ses chaussures dans les rues de Londres.