Juliette demande « qu’est-ce qu’il y a dans un mot », qu’y trouvons-nous, et pour le trouver, qu’y avons-nous caché ? Qu’est donc cette quête de l’écriture, du mot juste, et comment la commencer, quels outils emportons-nous sur le chemin de la fiction et de l’imagination ?
Faut-il que l’écrit soit grand ? Comment le savoir ? Faut-il plus que la facilité pour jeter des phrases sur du papier ? Faut-il du talent ? Est-ce suffisant pour que cela soit important ? Du génie alors ?
Et pourquoi cette nécessité ? Pourquoi est-ce que je veux écrire si grand ? Si cela est médiocre, pourquoi l’écrire. Mais comment passer à côté de l’écriture avec pour seule excuse « Je ne suis pas Shakespeare » ? Quelle idéale esquive. « Je ne suis pas assez. » Sur les étagères pourtant, on ne trouve pas que les pièces de ce cher barde anglais.
Qu’est-ce qui pourrait être assez ? Cette place que je cherche, où et comment la trouver ? S’ils sont tant à le faire, pourquoi ne pas ajouter ma voix, quelle réelle raison à cela, si ce n’est la peur de n’être pas jugée à la hauteur, ou d’être jugée tout court d’ailleurs.
Dans un mot, nous disons beaucoup, ou plutôt, je dis beaucoup. Je dis ce que je n’ai pas. Je dis le manque. Je n’ai pas les mots ou le mot qu’il faut. Je ne sais pas comment exprimer autrement, différemment. Tous les auteurs que j’admire m’écrasent, les ombres de leurs plumes sont sur moi, des échos de ce qu’ils ont mieux dit, écrit, m’habitent.
Je voudrais capturer le monde. Son essence. Un instant. La lumière de cet instant, les émotions qui en naissent, le sentiment qui nous prend. Le geste que l’on fait. Les manquements et la cruauté. Le silence et les bouleversements. Je voudrais coucher, là, tout ce que nous sommes et avons été, tout ce que nous serons et ne serons jamais. Que ce soit trop beau ou trop déchirant, parfaitement juste ou un peu dissonant, mais que ce soit surtout suffisant.
Je n’ai plus d’histoires en tête. Tout me dépasse. Je n’ai plus rien à raconter. Je n’ai plus rien à dire.
Qu’est-ce qu’être un homme et de mourir ?
Qu’est-ce que c’est que cela ?
Comment pouvons-nous survivre sans fiction. Tenons-nous tous car nous nous racontons des histoires ?
Et moi, c’est quoi, mon histoire ?
Dans un roman, après l’enfance, la jeunesse et les premiers pas dans le monde, après les éclats et les terribles déceptions, une fois les désillusions bien inscrites dans la peau, les blessures saignantes encore sur le coeur, l’héroïne enfin balaie la table et s’installe, et elle écrit, écrit, écrit. Dans un film, une musique entraînante rythmerait la cadence.
Et évidemment, elle serait publiée.
Et connaîtrait même le succès.
© Béryl Huba-Mylek
» Et moi mon histoire « … Oui votre message traduit bien ce qui transite à travers les neurones affolés de qui a décidé, ou plus exactement est obligé de mettre sur papier son histoire ou plutôt la leur car je suis leur passeuse de mémoire, mémoire de rafles, de guerre, de persécutions. Publiée… Quelle souffrance lorsque l’on appartient pas au sérail et qu’aucune porte de s’ouvre. Merci pour vos articles et j’adhère au « no gate, no lock, no bolt… » de Virginia.
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