Elle pose la joue sur son épaule, appliquée, ses lèvres fines bien serrées et le regard fixé sur les ciseaux brillants tranchant le papier rouge. De sa main gauche elle immobilise la feuille, de l’autre elle guide patiemment les lames argentées. Une chemise tombe sur ses jambes sagement croisées, minuscule vêtement de poupée.
Sa tête se redresse fièrement sur son cou d’enfant. Elle saisit entre deux doigts ronds l’objet de sa création, puis lève ses pupilles sombres sur le visage tranquille de sa mère. D’un rapide hochement, celle-ci approuve le travail de la fillette. Un éclat joyeux s’allume dans ses yeux, elle retourne à ses découpages, satisfaite de son ouvrage.
Des carrés colorés défilent sur ses genoux. Elle colle parfois très près de son nez les pages qu’elle décompose en multiples tenues : des jupes, des robes et des pantalons, des combinaisons et des chapeaux, des chaussures et des manteaux. Elle observe les photographies vieillies regroupées sur l’autel des Anciens, et sur l’une d’elles découvre un chien.
Ses sourcils se froncent, elle se balance d’avant en arrière, s’arrête soudain, s’empare d’un feuillet blanc sur lequel elle laisse bientôt la silhouette d’un os. Elle tend le bras haut et agite son dernier né. L’adulte silencieuse acquiesce et un rire cristallin et ravi lui répond.
Enfin, la petite demoiselle rassemble les formes arc-en-ciel accumulées sur le sol. Elle s’installe devant une calme flamme et une à une brûle les pièces. Des cendres grises se déposent sur les cadres de ses ancêtres. Ses joues porcelaines disparaissent sous une mince couche de poussières que sa mère fait disparaître d’une caresse.
© Béryl Huba-Mylek
J’adore ! (smiley avec des yeux en petits coeurs)… (dommage qu’on ne puisse pas mettre des smileys 😉
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