L’Attente

Dans son nid, elle se prépare, la chaleur anesthésiante guidant lentement ses mouvements.

Elle étend langoureusement ses membres, les bras passent derrière sa nuque puis s’allongent au-dessus de sa tête qu’elle secoue doucement.

Elle cambre son dos et passe la main sur son ventre, le lissant tendrement, vérifiant du bout des doigts qu’aucune aspérité ne vient s’installer.

Elle observe les rondeurs fines de sa poitrine, enserre sa petite taille de ses longues mains blanches et fait la moue en mimant l’amusement.

Elle passe son collant épousant allègrement ses longues jambes, elle les croise et les décroise, à moitié couchée sur son lit, observant dans le miroir ce ballet entêtant.

Se redressant, elle passe un peu de rouge sur ses lèvres, qu’elle dessine minutieusement, marquant les pointes du haut et arrondissant la pulpe du bas.

Du bout des doigts, elle caresse la peau de ses joues, tapote les ailes de son nez, replace ses sourcils et allonge en riant ses cils.

Puis, elle défait ses tresses et lisse ses mèches claires, passant et repassant son peigne dans les étincelles que le soleil sur sa chevelure laisse.

Lorsque le rideau de cheveux est en place, que sous des vêtements son corps se cache, son regard depuis son reflet l’observe posément.

Puis vient l’attente, maintenant elle doit être patiente, paisiblement calmer les battements de son cœur et ne pas trop penser à tout à l’heure.

Elle imagine pourtant déjà la scène, elle sait ce qu’elle dira, comment et puis pourquoi, dans la torpeur de sa chambre elle peut faire son cinéma.

Elle voit comme elle se soustraira à ses avances, rira de ses déclarations véhémentes, elle sait quel regard langoureux elle jettera et comment elle cachera son émoi.

Elle espère une certaine lumière, répète ses répliques et invente le monologue qu’il déclamera, elle dirige la caméra, cela elle l’occultera, cela elle le gardera.

Elle écrit la musique, telle note sur ce geste, rester muet pour envelopper ce silence, ne pas garder les balbutiements et supprimer tout langage qui ne serait pas assez châtié.

Elle sait comme il saisira violemment ses poignets mais y substitue une improbable délicatesse ardemment désirée.

Elle connaît les mots durs qu’il emploiera mais a trouvé depuis des synonymes rassurants qu’elle répète en s’abusant.

Elle goûte déjà le néant sur ses lèvres lorsqu’il s’éloignera d’elle mais s’assure qu’une saveur sucrée sur sa bouche va perdurer.

Alors que les secondes implacablement avancent, elle sent son estomac se tordre et son pouls devenir irrégulier, elle ne veut pas laisser ses mains trembler.

Elle jette avec effroi un regard sur sa glace, une ridicule poupée se moque d’elle en dansant maladroitement le film qu’elle a tué à force de se le raconter.

Elle tord ses doigts, mord ses lèvres, essaie de capturer l’authenticité de ses rêves, mais rien n’y fait tout s’est dilué dans de faux espoirs affectés.

Il l’appelle, elle tressaille, il l’attend, elle n’y est pas, il patiente, elle presse le pas. Avant de pousser la porte du café, elle croise sur la vitre son regard effrayé.

Dans un moment, ce sera fait.

© Béryl Huba-Mylek

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