Être entouré emprisonne, à moins que la prison ne soit l’écriture, elle qui nécessite la solitude.
Écrire sur ce rien emplissant les existences, cet étrange néant plein à éclater, ce vide si fourni.
La vie, long couloir tapissé de portes, celles que l’on a refusé d’ouvrir, celles que l’on n’a pas vues tant elles se fondaient dans les motifs du papier peint, celles auxquelles l’on croyait pouvoir revenir et dont on a oublié l’emplacement, celles que l’on a verrouillées tant elles nous terrifiaient. Et celles, toutes celles que l’on a ouvertes comme des évidences.
Écrire sur ces univers que l’on ne vit pas, ces fictions que l’on s’est refusées, conscient ou non de ce que l’on perdait.
Écrire sur celui que l’on était hier, celui que l’on espère être aujourd’hui, celui que l’on sera demain, surtout sur celui que l’on pourrait devenir. Jamais un mot sur celui que l’on est, trop insaisissable pour être attentivement examiné.
S’inventer scénariste de sa propre vie plutôt que de subir les humeurs d’un auteur peu inspiré ; écrire les autres, les noyer sous l’encre, les plier à sa volonté.
L’ange du bizarre, muse évanescente, déploie ses belles plumes blanches et laisse les écrivaillons tendre leurs mains en espérant se saisir d’un instrument pour écrire.
Convoquer ensuite les mots, murmurer d’improbables incantations et rêver de pouvoir les sommer à tout instant, souhaiter les faire s’installer auprès de soi éternellement. Sortir les chaînes pour les incarcérer et se priver soi-même de liberté.
Écrire, imprenable bastille, improbable forteresse, captivante cage dorée, punis-moi d’une réclusion à perpétuité.
Écris.
© Béryl Huba-Mylek
Une cage dorée, dont peu de personnes ont la clef.
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