Ce qu’il faut.

« Ce qu’il faut, ce serait de rester éternellement jeune, éternellement enfant : on pourrait faire de belles choses toute sa vie. Autrement, quand on se civilise, on devient une machine qui s’adapte très bien à la vie et c’est tout. » André Derain

Ce qu’il faut, ce serait de s’éveiller tous les matins sans aucune possibilité de prévoir le déroulement de la journée, prêt à sauter du lit à pieds joints et à claquer vivement des deux mains.

Ce qu’il faut, ce serait d’admirer les mouvements même de l’air, de se perdre à contempler un paysage mille fois déjà regardé avec un émerveillement sans cesse renouvelé.

Ce qu’il faut, comme le grand Jacques disait, ce serait de refuser la graisse autour du cœur lorsqu’elle vient s’installer, de muscler cet organe par de vifs pleurs, de merveilleux emportements et d’insatiables joies.

Ce qu’il faut, ce serait de crier sans retenue chaque fois qu’un coup nous blesse, plutôt que d’apprendre à le retenir en caressant la peau meurtrie.

Ce qu’il faut, ce serait de s’enchanter de pouvoir mettre un pied devant l’autre tous les jours sur le trottoir pour rentrer chez soi.

Ce qu’il faut, ce serait d’être englouti par le chagrin comme si le raz-de-marée allait tout emporter et que nous allions nous noyer alors que nous pleurons pour la dixième fois de la journée.

Ce qu’il faut, ce serait de regarder l’Autre comme si jamais nous ne l’avions vu et d’être perpétuellement bouleversé par son simple regard.

Ce qu’il faut, ce serait de courir à perdre haleine dans les rues de la ville sans prêter attention aux regards des autres passants.

Ce qu’il faut, ce serait de s’élancer vers les êtres chéris et de les serrer dans nos bras à en crever dès que nous les revoyons.

Ce qu’il faut, ce serait de plonger ses mains dans les couleurs, de les mélanger toutes, de reproduire tous les tableaux peints mille fois mais à chaque fois de laisser une nouvelle trace.

Ce qu’il faut, ce serait de lire et relire et relire encore les mêmes phrases en sentant dans la poitrine le même picotement, le même serrement, le même envoûtement.

Ce qu’il faut, ce serait de goûter la neige comme si sa fraîcheur était inégalable, de prendre le soleil comme s’il n’avait jamais été si chaud, de boire comme si pour la première fois nous avions soif, de manger comme si enfin nous avions faim.

Ce qu’il faut, ce serait de reconnaître le bonheur des instants fugaces, cet instant précis où nous nous sentions si puissants, ce moment évanoui et pourtant si présent.

Ce qu’il faut, ce serait d’être toujours cet enfant, cet enfant comme dans les livres d’autrefois, enjoué, curieux et battant.

Ce qu’il faut, c’est cela.

© Béryl Huba-Mylek

Une réflexion sur “Ce qu’il faut.

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