La femme corbeau

Dans un songe, la nuit dernière, j’ai rencontré une femme corbeau, une femme oiseau. Ses longues plumes sombres cachaient d’éclatantes lueurs blanches.

Dans ce songe, la nuit dernière, j’ai récité mes cours, mes leçons. Elle me regardait attentivement en souriant silencieusement.

Dans un songe, autrefois, je m’évadais quelquefois. Déjà, elle était là, ombre brillante et envoûtante que j’appelais l’Oiselia.

Dans ce songe, il me semble, je me nommais Agathe, Cerise, Ada. Elle attendait sagement que sur elle se pose mon regard d’enfant.

Dans un songe, régulièrement, je prends le sceptre du pouvoir, contre le malheur et l’horreur je me bats. Elle patiente et observe ma sempiternelle histoire d’Éden.

Dans ce songe, toujours je crois, je triomphe puis je me noie. Elle étend alors ses ailes, ses serres m’arrachent de l’eau et je redeviens moi.

Dans un songe, éternel et précieux, je retrouve leurs visages tournés vers moi. Elle reste en retrait pour ne pas nous déranger.

Dans ce songe, je les invente et de m’entendre ils s’enchantent. Elle cache son long bec dans ses sombres plumes et ferme un peu ses petits yeux.

Dans un songe, il n’y a pas si longtemps, je promettais d’être bientôt là. Elle a cligné ses lourdes paupières, un instant, juste un moment, elle me voit.

Dans ce songe, je m’en doutais, je proférais un lourd mensonge. Elle le savait, mais me laissait ; depuis mon enfance, elle me croit.

Dans le songe, la nuit dernière, la femme corbeau, la femme oiseau, ne m’a pas laissée être fière. Elle s’est posée devant moi et son regard ne me lâchait pas.

Dans ce songe, je ne la fuis pas, mais je tente de la convaincre alors qu’elle n’écoute pas. Elle bat des ailes, ses plumes me frôlent, un souffle me parvient.

Dans le songe, la nuit dernière, mes excuses ne tenaient pas. Elle restait calme, mais résolue, me renvoyait aux souvenirs d’autrefois.

Dans ce songe, mes personnages ne revenaient pas, mais j’étais de nouveau Agathe, Cerise, Ada. Et elle, elle, la femme corbeau, la femme oiseau, elle était l’Oiselia.

Dans un songe, la nuit prochaine, je le sais, elle reviendra. La fillette m’appelle, l’adolescente m’insulte, l’adulte me foudroie, tandis qu’elle, elle me regarde.

Dans ce songe, la nuit prochaine, je serai prête, je serai là. Elle ouvrira grand ses ailes, elle me laissera me blottir contre elle, et puis elle s’envolera.

© Texte de Béryl Huba-Mylek

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