Lundi 12 janvier, Alexandre Tharaud s’invitait au théâtre des Champs-Elysées. Il y proposait un programme enchanteur, ouvrant le concert avec du Mozart, convoquant ensuite Schubert, avant de terminer sur Beethoven. Des œuvres atypiques côtoyaient des mélodies plus connues, la suite K. 399 débutant ainsi le cycle Mozart, clôt par la célèbre sonate « Alla Turca ». Le pianiste, soulignant les silences entre les variations, propose de découvrir différentes facettes du grand compositeur. Il appuie sur la simplicité de certains mouvements, le charme singulier d’autres, le lyrisme de l’ensemble. Joueur gracieux, Alexandre Tharaud se fait fantaisiste, sans jamais oublier d’être volubile. L’incroyable capacité à chanter chacune des notes continue de surprendre et d’émerveiller.
Après l’entracte, l’atmosphère se fait plus romantique. Les danses allemandes de Schubert deviennent, sous les doigts du pianiste, franches et désarmantes, certaines mesures se révélant dramatiques. Une certaine mélancolie s’installe, qui devient plus vive lorsque le musicien entame la sonate n°31 de Beethoven. S’illustre alors une lutte entre la lumière et les ténèbres de l’âme. Parfois, la tristesse gagne, le chant se fait désespéré, révélant la déchirante plainte de celui qui souffre. Mais ce sont les cris de joie qui achèvent l’oeuvre, puisque toujours la vie triomphe.
Alexandre Tharaud aime son public, à qui il rendra ce soir-là un très bel hommage, revenant plusieurs fois sur scène pour le saluer, lui offrant cinq rappels. Le premier est le Prélude en B mineur de Bach arrangé par Siloti. La lumière se tamise, elle disparaît presque, un halo se concentre sur l’éternel jeune homme assis sur son tabouret. A côté du piano, depuis le début du concert, brûlent dix-sept bougies. Elles brillent alors davantage, plus tristement visibles dans cette semi-obscurité. La mélodie serait-elle un hommage aux morts, une messe sublime ? Aucun mot n’accompagnera les flammes, la musique parle d’elle-même.
Alexandre reviendra, il saluera, il sourira, il jouera Romance sans paroles de Fauré, deux autres morceaux que je n’ai malheureusement par reconnus, dodelinant de la tête en se demandant ce qu’il peut bien nous offrir d’autre. La tourneuse de pages étant restée en coulisses, il s’occupera lui-même de ses partitions, envoyant voler une feuille, qui reste un instant en suspens, alors que sa main retombe déjà sur le clavier. La silhouette gracile accompagne les mouvements maîtrisés des mains avec un amour certain, et c’est une déclaration qui termine ce magnifique récital. Le pianiste joue en effet à son public conquis un chaleureux The man I love, redonnant espoir, provoquant des rires joyeux. Puisque, toujours, la vie triomphe.
Alors, Alexandre, merci.
© Béryl Huba-Mylek