Sherlock y es-tu ?

Il est préférable d’avoir vu la saison 3 pour lire cet article

Sherlock Series 3

La troisième saison de Sherlock n’a accompagné les spectateurs que deux semaines, offrant trois épisodes aux assoiffés de la série, avant de disparaître pour une durée indéterminée (il semblerait qu’une quatrième saison soit certaine de voir le jour, on murmure qu’une cinquième pourrait très bien suivre). Dès ses débuts, la série inventée par Mark Gatiss et Steven Moffat a connu un franc succès public et critique, propulsant Benedict Cumberbatch (dont les plus ferventes fans se font appeler Cumberbitchies) et Martin Freeman (qui a depuis endossé le costume du célèbre Bilbo) au rang de superstars. Pourtant, le pari n’était pas gagné. Sherlock avec un téléphone portable ? Sherlock dans le métro ? Sherlock aujourd’hui ? Les puristes enrageaient déjà, d’autant plus que la version musclée du célèbre détective, incarnée par Robert Downey Junior, semblait avoir achevé de détruire le mythe.

Et pourtant, en 2010, des millions de téléspectateurs tombent irrévocablement sous le charme d’une version, certes très actuelle, mais pourtant fidèle à l’esprit des romans de Sir Arthur Conan Doyle, une version bien léchée, brillamment interprétée, et merveilleusement écrite. Après seulement deux saisons, six épisodes, Sherlock était l’une des plus grandes, l’une des meilleures séries du moment, un pur divertissement so british dont on raffolait. On en redemandait, encore et encore. J’exagère à peine.

Force est de constater que la troisième saison n’a pas fait l’unanimité.

Le premier épisode commence, on se délecte, on jubile. Cela fait deux ans qu’on se demande « Mais comment a-t-il fait ? ». Oui, car Sherlock nous a quittés mort et enterré… Ou presque. La première scène de ce nouvel opus propose tout de suite d’établir la vérité : alors voilà, le corps que John a vu n’est autre que celui de Moriarty, qui portait un masque de Sherlock, lequel était en fait accroché à une corde quand il a sauté de l’immeuble, et Molly l’a aidé, d’ailleurs il l’embrasse… Quoi ? Sherlock embrasse Molly ? En réalité, cette ouverture est un leurre. Une version de la mort de Sherlock, une histoire telle que s’en sont racontée des centaines de fans de Sherlock depuis sa mort… Mais quels fans, au juste ? Les fictifs, ou les vrais ? Ce sont probablement les mêmes.

En écrivant The Empty Hearse, il semble que Mark Gatiss s’en est donné à cœur joie. Tout à fait conscient des fanfictions qui circulent sur son héros sur la toile, et des nombreuses versions décrivant comment Sherlock a feint sa mort, il propose d’en donner trois. Aucune n’est la véritable version. Qu’importe, en réalité, Mark Gatiss rend hommage aux fans, les vrais, ceux qui ont spéculé, encore et encore, et qui n’attendait que ça. Ceux qui écrivent sur le couple Sherlock/Molly, ceux qui soutiennent plutôt Sherlock/Watson, ceux (apparemment ils existent) qui verraient bien Sherlock partir dans un coucher de soleil aux côtés de Moriarty. Coup de maître, coup de génie? Ou bien facilité scénaristique? On ne saura pas le pourquoi du comment de la fausse mort.

Sherlock BBC 3

Bon, soit. Après tout, Conan Doyle lui-même n’avait pas trop su comment justifier le retour d’un personnage qu’il avait tué une bonne fois pour toutes, lassé, désirant passer à autre chose. Mais voilà, ses fans voulaient du Sherlock, et les ventes de ses romans historiques, qu’il estimait être plus sérieux, ne remplissaient pas les caisses. Malgré lui, l’auteur avait rempilé et ressuscité le détective le plus apprécié des Anglais. Les fans avaient gagné.

Les fans ont-ils, encore une fois, gagné ? En effet, le risque de s’adresser trop aux fans et de finir par ne plus s’adresser qu’à eux. Les intrigues policières ont été reléguées au second plan. Si elles restent intelligemment écrites, elles ne prennent plus le spectateur aux tripes. Où sont passés les frissons à la découverte d’un corps ? Aux oubliettes, le seul mort de cette saison, c’est le grand méchant Magnussen. Et nous connaissons tous l’identité de son criminel. Dans le premier épisode, Sherlock doit empêcher le parlement d’exploser (des tendances James Bond, sir ?), dans le second, le grand mystère est de savoir comment Sherlock va assurer le discours de témoin au mariage de Watson (car la résolution de deux meurtres, pardon, deux tentatives de meurtres ratées importe finalement assez peu), et dans le troisième… Nous ne sommes pas bien sûrs, en vérité. On croit que cette fois, c’est bon, c’est reparti, on va avoir le droit à une VRAIE enquête, un VRAI épisode de Sherlock… Et non. On a presque de la peine pour Lars Mikkelsen, qui joue admirablement « the bad guy », mais qui n’a finalement pas assez de place pour exister.

Que s’est-il passé ? Sherlock est devenu trop gentil, peut-être. Deux ans d’absence semblent avoir considérablement changé sa personnalité. L’évolution d’un personnage qui se décrit lui-même sociopathe ne peut qu’être difficile. Soit le personnage ne change absolument pas, soit il change beaucoup trop. Que Sherlock se rende compte de l’amitié qui le lie à Watson, soit. On n’attendait que ça. On voudrait même croire qu’il est possible qu’il devienne carrément burlesque, comme dans cette scène, assez hilarante, où il se déguise en serveur français pour surprendre Watson. Mais que Sherlock se montre aussi adorable avec Mary, fiancée de Watson… Incompréhensible. Non seulement il sourit presque mièvrement lorsqu’il apprend aux jeunes mariés qu’ils attendent un enfant (seriously ?), mais en plus il passe complètement à côté du fait… que c’est une ancienne espionne. Enfin, peut-être. Ça non plus, nous ne sommes pas bien sûrs. Sherlock attendrit. Sherlock qui donne des leçons de vie conjuguale (voyons, Watson, c’est évident que c’est de ta faute). Sherlock qui feint d’être en couple. Sherlock qui dit à Molly qu’elle est la personne la plus importante de sa vie (really ?!)… Nous sommes un peu perdus. Voire complètement.

Sherlock BBC 2

Sherlock a, depuis sa création, été comparée à Doctor Who. Normal, Steven Moffat travaille sur les deux séries. Certains rêvent que le docteur intergalactique et le détective privé se rencontrent. Ils en rêvent tant qu’ils passent d’ailleurs même à l’action, comme le prouve cette vidéo plutôt réussie réalisée par un fan :

http://www.youtube.com/watch?v=q3bGYljQ5Uw#t=299

Alors, en serait-on là, Sherlock serait-elle devenue, comme sa grande sœur, un phénomène britannique impossible à ignorer, mais qui sombre dans des histoires de plus en plus abracadabrantes, invraisemblables, tirant encore et toujours sur le fil, et ne pouvant plus parler qu’aux fans, aux supers fans même?

Oui, la série a changé. Sherlock n’est plus le personnage sombre, étrange, antipathique mais terriblement fascinant de la première saison. Les intrigues policières ne sont plus les fils principaux de l’histoire, mais des prétextes à regarder évoluer à l’écran des personnages devenus attachants. On frissonne moins, on rit plus. Sherlock est même devenue une série familiale, non seulement dans le sens où le détective apparaît à l’écran avec ses parents, et de plus en plus avec son frère, mais en plus car, dans l’équipe, on travaille en famille. En effet, Mary est la vraie femme de Martin Freeman, les parents de Sherlock sont les vrais parents de Benedict Cumberbatch, et dans le dernier épisode apparaît le (vrai) fils de Steven Moffat.

Mais finalement… Ce n’est pas bien grave. Non, ce n’est pas grave. Car Sherlock est toujours brillamment écrite, non ? Sherlock est toujours follement divertissante, non ? Surtout, Sherlock est toujours follement bien jouée, ne trouvez-vous pas ? Et n’est-ce pas formidable de faire partie de ceux qui sont devenus des supers fans ? Des « geeks », comme certains les appellent ? Oui, car si Sherlock est devenue une série de « geeks », alors je suis devenue « geek » avec elle. Force est de constater que malgré les défauts dont cette nouvelle saison a souffert, j’ai tout autant aimé Sherlock, sinon plus qu’auparavant. N’est-ce pas le grand amour, ça ? A l’heure où les séries ont tendance à s’éterniser, à trahir le spectateur et à perdre en qualité, n’est-ce pas formidable d’avoir une série qui s’intéresse à ce que pensent les fans, qui veut leur faire plaisir, qui est là pour eux ? Une série créée par les fans, pour les fans ? Une série qui aime ses personnages ?

On peut, bien sûr, avoir décroché. On peut débattre, longuement, sur cette dernière saison. Il y aura ceux qui penseront que c’est bon, c’est terminé, ils remballent. Et les autres, comme moi, qui malgré tout sont plus amoureux que jamais, et attendent la quatrième saison avec impatience. Surtout qu’on nous a encore offert un sacré cadeau. Des mois et des mois à se demander, mais Moriarty, comment a-t-il fait, lui ?!

© Béryl Huba-Mylek

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